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Une nouvelle intelligence économique pour l’avenir en France : quelle lecture pour quel éclairage ?


Boubacar DIALLO




Une nouvelle intelligence économique pour l’avenir en France : quelle lecture pour quel éclairage ?

Le monde numérique actuel offre plusieurs possibilités d’accès à l'information, notamment via les réseaux sociaux et les médias classiques (télévision, journaux, etc.). Tout acteur économique cherche à accroître et imposer sa puissance dans ce nouveau monde. D’où la nécessité de développer des capacités de prévision et d’analyse de l’information pour agir efficacement.
 

Pour réussir dans cette compétition il faut savoir capter la bonne information au bon moment et au bon endroit. Beaucoup de pays développés notamment la France commence à perdre la place dans le rang des puissances à cause du changement des méthodes d’organisation. Cette situation montre la nécessité d’avoir un nouveau regard en s’appuyant sur de nouvelles grilles de lecture et de nouveaux outils d’intelligence économique (IE) pour une meilleure connaissance des enjeux de l’environnement actuel et futur gage de sécurité globale.
 

Lors des matinales du GFII1 Alain Juillet, président de l’Académie d’intelligence économique et consultant international, Henri Dou président du think tank CIWORLDWIDE et consultant international et Philippe Clerc président de l'Association internationale francophone d'intelligence économique et conseiller expert en intelligence économique internationale à la CCI France, ont eu l’occasion d’apporter un regard croisé sur l’intelligence économique du futur.
 


Les enjeux d’une nouvelle intelligence économique stratégique pour les entreprises françaises

L’enjeu énorme à l’ère du marché de l’information c’est de pouvoir s’approprier des nouveaux outils et méthodes de collecte et de traitement de l’information, notamment l’intelligence artificielle (IA), le big data, Machine Learning. A cela s’ajoutent la complexité des marchés, des technologies et des approvisionnements, l’évolution des attentes des employés et des clients. Dans un tel contexte, il y a urgence à redéfinir une pensée stratégique par la prospective comme le soutient P. Clerc « quelle intelligence mobiliser afin de prévenir et anticiper les processus d’innovations foudroyantes » ? C’est-à-dire comment détecter ces innovations (simples applications) qui sont capables de mettre en faillite des concurrents et de détourner des millions de consommateurs. Sur ce point il y a un manquement des acteurs de l’intelligence économique français à prendre en compte la dimension prospective, la veille augmentée dans l’élaboration de leur décision. En effet, pour Henri Dou, certaines entreprises françaises considéraient que la prospective est relève du rôle de l’Etat.
 
Pour cet argument A. Juillet, affirme qu’il y a une sorte de pensée unique française qui néglige des opportunités à exploiter. Par exemple, sur les terres rares utilisées dans la fabrication des téléphones portables, la France était l’un des premiers avoir connaissance de ce marché. La Chine ayant une vision du long terme, a compris rapidement que les terres rares constituent une opportunité stratégique d’avenir : aujourd’hui les chinois détiennent plus 90% des terres rares dans le monde. Donc une des problématiques actuelles des chefs d’entreprises est le manque de compétences sur des sujets comme la prospective, la prise en compte de l’avenir (20 à 30 ans) dans leur processus d’élaboration de stratégie et de prise de décision.
 
Une autre problématique au sein d’un certain nombre d’entreprises notamment les banques est le fort goût des résultats immédiats : les banques préfèrent racheter des starts up que d’innover ou d’investir dans la R&D. Il a une forte préférence du court terme (on veut des résultats tout de suite). Il faut que les décideurs acceptent de se remettre en question de manière permanente au regard de l’évolution de l’environnement. Autrement dit, le vainqueur de cette compétition moderne est celui qui sera le mieux informé maintenant et pour le futur.

La vision future de l’intelligence économique en France

Aujourd’hui pour gagner, il est nécessaire de savoir interpréter et analyser son écosystème pour produire une stratégie complète. La guerre de l’information est une composante fondamentale de la compétition internationale dans laquelle certains acteurs considèrent que les morts au combat sont les entreprises qui mettent la clé sous la porte et les gens qui perdent leur emploi. Parce que la bonne information est cachée dans une masse gigantesque de données disponibles de manière dispersée en sources ouvertes. En effet, chaque jour plus de 2,5 trillions d’octets de données sont générés2. La gestion et l’analyse de ces données massives nécessite des capacités considérables en termes de technologies et de compétences. D’où le lien entre l’IA et l’IE. Donc pour une entreprise, c’est une opportunité de gain de productivité en termes de temps et de coût d’exploitation de l’information dans la mesure où le marché de l’information est le nouveau terrain de combat. Parmi ces outils il y a la veille augmentée, l’intelligence artificielle, le Machine Learning et le big data.
 

La collaboration des agences de services avec les entreprises est importante pour le renseignement et la sécurité économiques. En outre la dimension culturelle est déterminante pour connaitre la variété des stratégies dans le monde. Par exemple en Chine tout est centralisé par le pouvoir public, aux Etats-Unis, il y a une vraie collaboration entre les agences de renseignements, les entreprises et le département de la justice au besoin. En France, l’originalité est la territorialisation de la politique publique d’intelligence économique avec une structuration bien ficelée3.
 

Par ailleurs, la sécurité économique (un des trois piliers de l’intelligence économique) est un élément central dans le développement, d’une organisation ou d’une entreprise. Le développement accru de patrimoine immatériel symbolisé par internet et les mutations technologiques de l’information a considérablement les méthodes d’attaques et d’agression contre les entreprises. Comme le mentionne P. Clerc, le nœud du problème est la protection du patrimoine immatériel de l’entreprise. La sécurité économique est un élément de confiance et signe d’attractivité et de croissance4. La prise en compte des risques doit s’inscrire dans une logique de sécurité globale. Il s’agit également de faire la part des choses dans la définition d’une approche globale de la sécurité. C’est-à-dire avoir la capacité de distinguer le contenant, du contenu et l’humain. La sécurité c’est également être sûr de collecter la bonne information pour éviter de se noyer dans l’infobésité et également les fakes news.
 

Finalement avoir une vision stratégique permet de garder un cap. Il est essentiel de combiner intelligence augmentée (homme-machine) et l’intelligence collective pour asseoir une vision du long terme adaptée à l’évolution de l’environnement. Car aujourd’hui la guerre économique est une guerre de l’information qui se gagne dans les esprits, par les médias en changeant l’image de l’entreprise, en modifiant la perception des individus et en les ralliant à une vision. D’où l’énorme défis de trouver la bonne information et de la sécuriser.